Devenir polyglotte allemand, des neurosciences à la maîtrise de l’allemand ou pourquoi votre cerveau a besoin d’une autre approche
« C’était la fin du lycée et j’entrais dans la dernière ligne droite. Les épreuves anticipées du baccalauréat approchaient, et l’allemand en faisait évidemment partie. Cette langue, censée m’avoir été enseignée pendant plus de 7 longues années, aurait dû être une formalité. Pourtant, j’avais cette boule au ventre à chaque fois que j’ouvrais mes cours et livres d’exercices. Des listes de vocabulaire à n’en plus finir, des règles de grammaire alambiquées, des exceptions qui confirment la règle… Tout un monde complexe et déroutant, comme si on m’avait lancé dans les méandres d’un labyrinthe linguistique !
Malgré tous mes efforts, malgré les heures passées à ingurgiter ces préceptes étrangers, je n’arrivais pas à faire corps avec cette langue. C’était comme si un mur invisible se dressait entre l’allemand et moi. Un mur oppressant, fait de pièces détachées que je n’arrivais pas à reconnaitre ni à assembler. J’avais beau connaître la théorie, dès qu’il s’agissait de la mettre en pratique, c’était l’impasse. Un trou noir s’ouvrait dans mon esprit…
N’est-ce pas paradoxal ? Après tant d’années à étudier une langue, je restais finalement aussi muet qu’une carpe dès qu’il fallait l’utiliser. Un comble pour quelqu’un qui rêvait de pouvoir converser et se faire comprendre dans cette langue, que j’appréciais pourtant. Ce blocage m’intriguait et me frustrait à la fois. Il devait bien y avoir une meilleure façon d’apprendre, non ? Une approche qui débloquerait ces verrous mentaux et me permettrait d’accéder à une réelle maîtrise de l’allemand… »
Le piège des méthodes obsolètes : quand le cerveau se rebelle
Pendant des années, on nous a enseigné les langues étrangères d’une manière quelque peu… artificielle. Cette approche dite « de l’extérieur » consistait à nous bourrer le crâne de règles de grammaire absconses, de listes de vocabulaire interminables… mais toujours de manière décontextualisée. C’était un peu comme si on nous donnait les pièces détachées d’un mécanisme complexe, sans la notice de montage.
On numérotait les groupes verbaux, on déclinait les cas jusqu’à l’indigestion, on apprenait par cœur l’insensé… mais l’essentiel nous échappait : cette langue vivante, vibrante, qui n’avait que faire de ces cadres rigides. Comme vouloir apprendre à nager… avec un traité de navigation maritime !
Notre pauvre cerveau se retrouvait engorgé de connaissances inertes, aussi naturellement assimilables qu’un rejet de greffe. Ces règles Abstraites, ésotériques, n’avaient aucun lien avec notre expérience vécue. On aurait dit une immense bibliothèque, remplie de grimoires dans une langue inconnue. Même si on parvenait à en ingurgiter quelques bribes, c’était loin d’être suffisant pour nous permettre de réellement nous exprimer dans la langue cible.
La révolution de l’apprentissage naturel : quand le cerveau s’allume
Après avoir buté pendant des années sur ces vieilles méthodes stériles, j’ai fini par découvrir une toute nouvelle approche, aux antipodes de ce qu’on m’avait enseigné jusque-là. Une approche que j’ai baptisée « de l’intérieur » car elle s’inspire du mécanisme même par lequel nous avons appris notre langue maternelle : l’acquisition naturelle.
Plutôt que d’essayer d’ingérer des règles abstraites, il s’agit d’exposer notre cerveau à la langue cible dans toute sa richesse contextuelle. D’être immergé dans un bain linguistique complet, comme un nouveau-né qui enregistre les sons, les intonations, les structures récurrentes… Et les dernières avancées en neurosciences ont prouvé à quel point cette méthode était puissante !
Dans une étude révolutionnaire publiée dans Cerebral Cortex en 2024, les chercheurs Malik-Moraleda et al. ont en effet mis en lumière le fonctionnement très particulier du cerveau des polyglotes. Leur découverte ? Plus une langue est maîtrisée « de l’intérieur », plus les zones cérébrales dédiées s’activent intensément. C’est le signe qu’un véritable circuit neuronal s’est créé et renforcé par l’usage naturel.
J’ai pu constater les effets fulgurantes de cette approche de mes propres yeux. Stéphane, un ami parisien venu passer 6 mois en immersion totale à Berlin avec des cours de langue adaptés au cerveau, a littéralement été transformé. Alors qu’il ne connaissait que quelques mots d’allemand à son arrivée, il est reparti en échangeant avec une aisance déconcertante dans cette langue qu’il maîtrisait soudain presque aussi bien que sa langue maternelle !
Merci Dieter pour cet article captivant sur l’apprentissage interne des langues, dans lequel je me retrouve pleinement.
J’ai toujours aimé l’allemand. Le peu que j’en sais en dehors du ce que je sais « naturellement », viens certainement de « NENA ». Vous connaissez probablement tous 99 Luftballons 😉. J’ai voulu savoir ce qu’elle disait, et chanter avec le même accent. C’est une façon assez ludique d’apprendre, différente et efficace.
En revanche, la seule phrase que j’ai retenue à l’école est la suivante : « Ich fühle mich so allein, mein Mann ist gestorben » (Je me sens si seule, mon mari est décédé…), oui vous avez bien lu… Je pense que je n’ai pas besoin d’expliquer pourquoi j’ai arrêté l’allemand au bout de 2 ans….
Mais revenons au sujet des polyglottes et la neuroscience. J’ai été propulsée de France à l’âge de 3 ans vers la Finlande pour toute ma scolarité. Je m’en rappelle encore, je ne comprenais rien. Cette période a été très courte. Et voila que je savais parler le finnois toute jeune, sachant que c’est l’une des langues les plus difficiles au monde, qui n’a aucune espèce de rapport avec le français.
On connait bien ces enfants à bas âge qui apprenne très vite plusieurs langues pourvu que, comme le dit Dieter, l’apprentissage viens de l’intérieur.
Ce que j’ignorais, c’est que cette capacité du cerveau à faire du « mapping » perdure toute notre vie.
Cet article est fascinant, et m’a totalement reconcilié avec les langues. Encore merci Dieter !
Merci Caroline pour ce partage très personnel. Personnellement, je sais depuis longtemps qu’il existe une approche et un accès à l’apprentissage de langues complémentaires, qualifiées ici de « polyglottes », qui est fondamentalement différente de ce qui est enseigné dans les systèmes scolaires et qui ne se limite pas à associer des mots et des règles de grammaire abstraites à la langue que l’on parle déjà, ayant moi-même appris une dizaine de langues différentes au fil des années.
La recherche de Malik-Moraleda, publiée en mars 2024, vient de confirmer par l’imagerie fonctionnelle ce qui m’a toujours semblé évident : la véritable maîtrise d’une autre langue ne peut être obtenue par des schémas d’équivalence et des traductions à partir de la langue maternelle.
Quant à la chanteuse NENA, je t’invite à la rencontrer dans l’une de mes mini-vidéos sur ma chaîne Telegram pour apprendre l’allemand, qui était à l’origine destinée aux russophones : https://t.me/c/1583046016/1805
Merci pour cet article qui éclaire de manière très juste et pourquoi avec les modèles éducatifs actuels nous sommes si peu doués en langue et comment il y a de l’espoir si nous employons la bonne méthode !
Oui, et je peux le confirmer par mon expérience personnelle, puisque j’ai aussi d’abord suivi des cours de langues étrangères à l’école !